La Boutique Nouvelle – CONFOLENS
« Bienvenue à La Boutique Nouvelle ! ». Derrière son masque, mais avec un sourire évident, c’est l’accueil que réserve Camille DEDIEU aux nouveaux visiteurs, curieux de découvrir le concept de ce petit commerce original à Confolens, en Charente.
Dès l’entrée, l’ambiance chaleureuse est posée. Des livres, mais pas uniquement : des objets de créateurs, de beaux meubles, des décorations, du linge de maison, de la papeterie… Des univers variés : jeunesse, jardin, cuisine, lifestyle, romans régionaux, romans ado, prix littéraires… Tout de suite, l’envie de vous asseoir sur l’un de ces beaux fauteuils et d’ouvrir un livre vous saisit.
Camille est pleine d’attentions envers ses visiteurs. En grande amoureuse de la lecture, elle a le petit conseil personnalisé, le bon livre à vous faire découvrir selon vos envies. Lectrice addict que je suis, j’ai voulu vous faire, à travers cet article, le récit de la rencontre de deux amoureuses du livre dans ce décor accueillant. C’est très aimablement que la libraire a accepté de me faire découvrir sa boutique et de répondre à mes questions.
Voici la retranscription de notre entretien :
Quelle est l’histoire qui vous a menée jusqu’à La Boutique Nouvelle ? Quel en est le concept ?
J’évolue beaucoup hors des cases. Normalement, quand on veut devenir libraire, on fait des études dans ce sens, puis on travaille quelques années dans une librairie, et enfin on peut envisager d’ouvrir sa propre librairie. Je n’ai absolument pas fait cela !
J’ai toujours aimé lire. Je suis revenue dans cette région, où j’étais cliente ici, chez mon prédécesseur, qui avait lui-même une librairie-papeterie et vendait des jouets. Je poursuivais des missions à droite à gauche dans l’administration et je cherchais le moyen de m’installer ici parce que je trouve qu’il y a énormément de potentiel, plein de choses à faire et que l’on s’y sent bien.
J’ai tenté ma chance auprès du propriétaire des locaux en me disant « on est en territoire rural, mais il y a quand-même une population importante rien que sur la Communauté de Communes, et ce type de magasin, librairie-papeterie, manque terriblement ». Et en même temps, étant en dehors des cases, je voulais avoir un endroit qui puisse paraître au premier abord un peu hybride, en rajoutant l’idée du concept store. Je fais le lien entre le papier (le livre, la papeterie) et l’univers de la maison, du jardin. A ce moment-là, le propriétaire avait des locataires et m’a répondu que ce n’était pas possible. Puis, le 24 décembre 2019, sacré cadeau de Noël, il m’a annoncé que le magasin était libre. A partir de là, très vite, je suis montée à cheval et j’ai réfléchi concrètement à ce que je voulais. J’ai créé cet espace, qui est un lieu qui joue avec l’association d’idées : on part du livre, du papier, puis après on se dit : pourquoi pas vendre du linge, parce qu’après tout on est chez soi, on a besoin d’avoir un bon coussin pour lire, se caler, être au chaud. Par la suite, j’aimerais vendre du thé, mais un thé un peu extraordinaire ! 🍵
On est dans une année un peu particulière. En mars, le confinement a été un peu compliqué pour la boutique, donc j’ai pu réellement ouvrir mes portes au mois d’août. J’ai ouvert en août, septembre et octobre. En plein essor, les portes se referment. J’ai quand même mis en place ce qu’on appelle le « click and collect », la vente à emporter, en français ! 😉 Mais je n’avais pas vraiment fait de communication parce que c’est difficile de demander aux gens de venir dans un magasin pour la première fois en vente à emporter alors que les portes sont fermées. J’avais déjà une petite clientèle et les gens ont vraiment joué le jeu. Ce ne sont pas des chiffres fous, j’ouvre à peine, mais cela me permet de survivre et de continuer l’aventure, doucement. Voilà pour la genèse de l’histoire. L’idée est de refaire vivre un service qui avait disparu, sous une autre forme évidemment, puisqu’on a tous notre patte, et puis de faire en sorte que mes clients ne s’ennuient jamais.
Où piochez-vous vos idées pour la librairie ? Choisissez-vous tous les titres en tant que libraire indépendant ?
Je suis partie très égoïstement de moi, de mes lectures ! 😁 J’ai commencé par là et ensuite, des différentes choses que j’ai découvertes. Je passe beaucoup de temps dans les recherches pour faire en sorte que la librairie « sorte un peu du lot », parce que tous les libraires ont leur crédo, mais l’idée c’est d’entrer ici et d’être surpris.
La Boutique Nouvelle est une librairie indépendante, c’est-à-dire que des personnes montent leur entreprise et ne font pas partie d’un gros groupe. La loi Lang, des années 80, face à des géants qui arrivaient sur le marché, pour éviter les bouleversements du prix du livre, en a fait un marché réglementé, c’est-à-dire qu’on fixe le prix d’un livre à l’avance.
On n’a pas le droit de faire jouer ce prix-là : ce n’est pas parce que j’ai une petite librairie que vous allez vous retrouver avec un livre à l’origine à 18,50€, mais vendu chez moi à 30€, de la même manière qu’un grand groupe n’aura pas le droit de le vendre à 5€. Il sera à 18,50€ partout. Ensuite, on divise ces 18,50€ entre tous les acteurs de la chaîne. Pour les libraires, généralement, quand on négocie bien le virage, on va être autour de 30%. C’est pour cela que c’est très difficile de survivre. Cela demande une diversification des activités, d’où, souvent, la librairie, le café, etc. Cette diversification permet aux libraires de faire vivre leur passion et d’offrir un espace aux passionnés. Il y a donc, dans cette chaîne, l’auteur, la maison d’édition et des grosses entreprises, qui diffusent le livre. Je n’ai pas directement affaire aux maisons d’édition, sauf pour certains cas, mais à des commerciaux, qui viennent me rendre visite, donc à moi de faire un choix, en fonction de mes capacités de vente, mais aussi en fonction de mon budget, puisque j’achète ces livres. En fait, quand vous rentrez dans une librairie indépendante, en achetant un livre, vous remboursez la dette du libraire.
Pour faire une comparaison avec l’achat d’un livre sur Internet, quand on va dans une librairie indépendante, on achète le livre au même prix que sur Internet, sauf qu’il n’y a pas les frais de port, et que l’on peut feuilleter le livre et avoir des conseils. Le libraire est au courant des sorties et il commence à connaître, au fur et à mesure du temps qui passe, ses clients.
D’où viennent les objets ?
J’ai travaillé entre autres avec Goicoecha, qui est une poterie basque. Elle est classée « Artisans du patrimoine » et travaille beaucoup à la main, les pots sont de très belle qualité. On a tendance à croire que des pots signés valent une demi-fortune. En fait non : le premier prix est de 5€, donc on peut vraiment se faire plaisir et faire plaisir avec de beaux objets. Cela faisait aussi partie de mon crédo : donner la possibilité aux gens d’accéder au luxe sans se ruiner. Finalement, le luxe, c’est quelque chose qui se définit en permanence, et je crois que, souvent, on se dit que le luxe est intouchable, alors qu’il y a des possibilités d’apporter du confort aux gens sans forcément trop dépenser.
Je travaille aussi avec Lexon, qui est une marque qui travaille elle-même avec des designers. J’ai une petite partie de leur gamme : ils font beaucoup d’enceintes, j’ai aussi un réveil qui reproduit la lumière du soleil. Leur objectif est de rendre le design le plus à portée de main possible.
Je collabore avec un artisan local, Florent DELEAS, qui travaille le bois. J’ai ici des luminaires, des tables basses, quelques petits animaux, des bougeoirs, des sapins (dont un grand en bois, magnifique), des portes-stylo. Il fabrique en fonction de ses inspirations. Tout ce qui est en bois est à découvrir et est à la vente.
Je travaille avec des marques comme Papier Tigre, qui est une marque qui plaît beaucoup. Je travaille également avec des marques d’autres pays, l’idée étant de trouver des éléments de qualité au meilleur prix. J’essaie le plus possible de rester en Europe. C’est le principe que je me suis fixé, avec des entreprises qui ont une éthique, avec le plus de papier recyclé possible quand je le peux, ou, sinon, des entreprises qui font partie de labels (je coupe un arbre, j’en plante un autre par exemple).
Que représente la lecture pour vous ?
Pour moi, la lecture fait partie intégrante du patrimoine. La lecture, c’est un moyen de s’évader, un moyen de s’enrichir, un moyen de réfléchir, un moyen aussi d’effacer les inégalités. Un moyen de briser les cases, les codes et je dirais que c’est indispensable.
Dans le cadre de ce contexte sanitaire, il y a eu tout un débat. J’entends parfaitement les mesures gouvernementales qui disent : la nourriture d’abord, le reste après. C’est tout à fait logique.
Toutefois, je pense que face à l’enfermement, la lecture est quand même un très bon moyen de se préserver psychologiquement et de maintenir la paix dans les foyers. Et puis, pouvoir « bouger dans sa tête », ça reste quand même assez primordial. La lecture est, à mon sens, une autre forme de nourriture : elle nourrit l’esprit.
La lecture, c’est aussi cette capacité à se couper du monde et à bâtir son propre décor. C’est toujours très intéressant d’entendre quelqu’un parler d’un livre, parce qu’on a tous notre décor de théâtre : tout d’un coup, on est dans la rue, on construit les immeubles dans sa tête, on construit la façon de marcher du personnage, ce qui fait que, souvent, quand on retrouve un livre adapté à l’écran, il y a une déception. Le héros n’est pas forcément celui qu’on avait imaginé.
Pour ma part, j’ai été très déçue de l’adaptation du livre Le parfum, de Patrick SUSKIND, qui est sorti il y a quelques années. J’ai même été scandalisée parce que le livre a été, à mon sens, piétiné. Je ne parle pas de la qualité de la réalisation, qui n’a rien à voir, mais le film n’était pas cohérent par rapport au livre. Ce livre est un chef d’œuvre, c’est un livre extraordinaire. Pour être correct, on ne peut pas dire que le livre ait été adapté, mais plutôt qu’il a inspiré le film.
Quel est, pour vous, le moment idéal pour lire ?
Idéalement, toute la journée ! Cela serait génial d’avoir un livre à la main tout le temps. Sinon, j’adore lire le soir parce que la nuit, tout est déjà beaucoup plus calme, il y a une ambiance particulière, il y a la lumière que l’on choisit, il y a la possibilité de se concentrer sur sa lecture. En tant qu’ex-Parisienne, j’adore aussi boire un bon café le matin en lisant : vous allez acheter un petit gâteau à la boulangerie, vous avez votre bouquin sous le bras, vous vous installez en terrasse ou dans un café, il y a du bruit autour de vous, il y a de la vie autour de vous, et vous vous délectez de cette vie tout en lisant les lignes d’un auteur que vous aimez. Ça, c’est LE bonheur.
Sinon, dans la nature, en écoutant, en sentant son environnement. C’est une reconnexion à soi. Cela peut-être sentir le vent sur son visage, pouvoir fermer les yeux, être à l’ombre d’un arbre, assise dans l’herbe…
Je crois que la lecture devrait faire partie de ce fameux mouvement lifestyle, parce que c’est prendre le temps de s’écouter, et pour s’écouter il faut aussi être en contemplation. Pour moi, la contemplation fait partie de la lecture. On peut refermer un livre et prendre juste le temps de sentir tout ce qui vibre autour de nous. Cela peut nous permettre aussi de nous transporter, dans nos idées, nos cheminements. C’est ça, la lecture. On ralentit.
Que pensez-vous des livres audio ?
J’aime beaucoup l’idée du livre audio. J’en propose quelques-uns à mes clients parce que j’aime bien les activités manuelles, on peut écouter un livre tout en faisant autre chose. C’est un format très intéressant, et puis je trouve que cela peut être une bonne chose de le diffuser pour les personnes âgées, ou les actifs qui, par exemple, peuvent l’écouter dans la voiture ou dans les transports en commun sur le temps de trajet pour le travail. Cela permet d’avoir un moment d’évasion et il y a vraiment de bons jeux d’acteurs. Le papier reste quand même dans le cœur des Français, dans le sens où on aime aussi l’objet, parce qu’on le tient dans la main, il vit avec nous et s’imprègne d’un moment de notre vie.
Quel est pour vous LE livre qui fait du bien, LE livre du bonheur ? (C’est tellement sympa de l’entendre parler des livres qu’elle a aimés que j’ai choisi de vous faire une retranscription la plus fidèle possible des livres qu’elle m’a présentés !)
Wahouuu !!! C’est-à-dire qu’il n’y en a pas qu’un, il y en a plein ! C’est un peu compliqué de répondre parce que c’est tellement différent selon chaque personne. C’est une question un peu dingue !
Par exemple, je me réjouis de lire les Carrisi quand ils sortent. Donato CARRISI est un auteur de polar italien. Il était juriste et criminologue et est devenu écrivain à succès. Il a une plume extraordinaire. Il part souvent de faits réels. Ensuite, il brode son roman. Mais ça, par exemple, ça me met en joie, je suis joyeuse comme tout. Quand j’ai mon Carrisi, tout est parfait.
Voici une petite sélection des livres qui font du bien selon moi :
- La bibliothèque des cœurs cabossés de Katarina BIVALD
- Noël à la petite boulangerie de Jenny COLGAN. On n’a pas besoin de lire ceux d’avant pour suivre l’histoire. Il est super !
- Rendez-vous au Cupcake Café, toujours de Jenny COLGAN. La suite aussi est délicieuse : Le Cupcake Café sous la neige.
- Love Style Life de Garance DORE. Celui-ci, je l’aime beaucoup. Garance DORE est l’impératrice des blogs de mode. Elle est extra, c’est une française née en Corse. Elle a vécu à Marseille, puis à Paris. Elle a percé le milieu de la mode, elle a vécu à New York. Maintenant elle a une belle maison à Los Angeles. Elle a monté un empire et en ce moment, elle est en Ecosse. Dans son livre, elle parle de sa propre expérience, mais elle donne aussi des conseils, qui vont du « que mettre quand je vais en soirée ? » à « quelles sont les vêtements indispensables ? ». Ce qui est agréable dans ce livre, c’est que, plusieurs fois, elle relativise, elle rappelle que la perfection n’existe pas. Elle parle aussi du métier. Il y a aussi des rubriques très sympas, comme « Paris contre New York » où elle parle de ce que font les New-Yorkais de différent par rapport à nous. Elle compare, avec la France, les habitudes sociales, le rapport à l’autre, etc. C’est très chouette !
- Le Dit du Mistral, d’Olivier MAK–BOUCHARD. Il a été édité aux éditions Le Tripode. Les libraires l’ont adoré et c’est vrai qu’on passe un très bon moment.
- The Flame, le livre testament de Léonard COHEN. On retrouve des notes et des dessins de l’auteur, on s’évade.
- Heart Talk de Cléo WADE. C’est une poétesse américaine, qui travaille sur la bienveillance, sur la gratitude, elle est super ! On retrouve des poèmes, évidemment, mais aussi des sortes de crédos à lire au quotidien. Cela a été un gros succès outre-Atlantique, ça marche très bien ici aussi. En plus, la présentation est assez originale. C’est inspirant !
- La beauté naturelle by Goop, de la grande prêtresse, notre amie Gwyneth PALTROW, qui a écrit différents livres. Elle aussi a un parcours intéressant : elle a commencé comme modèle, puis a été l’actrice que nous connaissons, et elle a créé en même temps une entreprise qui s’appelle Goop et qui travaille autour du bien-être. On l’appelle « la gourou californienne ». Elle a même fait une série de reportages, à voir sur Netflix, avec son équipe de Goop. Ils sont allés tester des méthodes alternatives partout dans le monde pour se reconnecter à son corps. Voilà pour la petite Gwyneth. Enfin, petite grande d’ailleurs, parce qu’elle doit être aux alentours des 1m80 ! 😂
Bien sûr, je ne peux pas avoir tous les titres, je démarre vraiment avec un tout petit budget. En revanche, la commande est possible, il ne faut pas hésiter à passer un coup de fil ou à envoyer un mail, pour que je travaille de mon côté et donne des conseils. On peut aussi passer en librairie, évidemment !
Après avoir passé une commande, il faut compter 4-5 jours pour obtenir son livre. Pour ce qui est de la papeterie, si on commande en semaine, on l’a le lendemain. J’ai un choix de commande en papeterie très large, de la ramette de papier, de la cartouche d’encre, en passant par le stylo, la règle, le compas…
Quels sont vos projets pour la boutique ? Que puis-je vous souhaiter pour l’avenir ?
Pour l’avenir, que cette papeterie apporte du bonheur, qu’elle réponde aux besoins du public, et surtout, puisque ça marche, qu’elle continue sur ce mouvement ! Enfin, si je pouvais organiser des manifestations publiques, mettre en place plein de choses, des événements, si je pouvais faire venir des auteurs connus et moins connus, ce serait idéal !
Sur ces belles paroles, vous aussi, découvrez cette librairie indépendante, qui a bien des surprises à vous réserver ! Pour ma part, c’est une très belle rencontre et une librairie qui intègre mes meilleures adresses. Ses propositions de livres ont été pour moi particulièrement intéressantes, car sa sélection est hors des sentiers battus. Les titres qu’elle a pu me proposer changeaient de ce que l’on peut voir classiquement en matière de développement personnel. J’ai la sensation d’avoir bénéficié d’un vrai conseil. L’avis d’un libraire indépendant est un véritable service en plus, et qui ne coûte pas plus cher ! Camille a à cœur de proposer, grâce à son travail et ses recherches, le livre le plus adapté à chacun.
Pour ma part, je suis conquise. J’ai passé un moment de discussion très agréable sur la lecture et le bonheur. Camille est d’une bonne humeur contagieuse. Je lui souhaite le meilleur pour sa petite entreprise. Les libraires indépendants ont besoin de nous. Les livres sont au même prix dans toutes les librairies, alors, soutenons-les !
Camille est passionnée et parle d’un livre comme si elle y avait plongé corps et âme. Mais le meilleur moyen de s’en rendre compte est de venir lui rendre visite ou de l’appeler pour passer commande !
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Vous trouverez la librairie au 13 Rue du Maquis Foch – 16500 CONFOLENS